Le Breizh da viken, destiné à Ansdeno (Ayiti), a quitté Porto pour Porto Santo
Ce n’est pas pour faire beau et propre sur soi que le projet de participation de MemoireStBarth.com à la dernière Transat Concarneau – Saint Barthélemy avait été "estampillé" « A Tribute To Haïti » dès sa présentation ici; et ce n’est pas non plus pour se donner bonne conscience. C’est par contre le "pur hasard" qui a bien voulu que l’actualité se recoupe ainsi… L’idée de base étant de contribuer modestement à l’effort envers Haïti en "promotionnant" des actions "grassroots" menées par des associations implantées localement, et bien avant le séisme; mais ni le temps ni les moyens n’avaient permis de concrétiser cette idée avant le 18 avril dernier. C’est dans la semaine qui précédait le départ que j’ai eu vent de la rénovation du bateau de pêche « Breizh Da Viken » et de sa destination, et j’ai contribué comme j’ai pu au feeling du jour le jour, par un petit speech à la présentation des skippers – remise des prix du prologue de la Transat, pour faire de la publicité à une « braderie » qui allait se tenir le lendemain au profit de ce projet. Projet qui, en quelques mots, consiste à remettre un bateau rénové à des pêcheurs d’Anse d’Hainault à la pointe sud-ouest d’Haïti, par l’intermédiaire de la Fondation Verte.
Nous n’avons quasiment pas échangé Lebas et moi, Lédée, après son retour en France. De nouveau, je n’ai plus de portable et je ne réponds pas au beau fixe… Sorry, no telephone. Mais j’ai souri lorsque j’ai appris qu’il ré-embarquait de suite sur le « Breizh Da Viken » pour Haïti, sacré numéro Lebas, avec chapeau ou sans chapeau : chapeau bas. Lorsque nous étions en mer, au sujet du « Breizh Da Viken » et de sa voile, je lui avais parlé d’un projet d’architecture navale où il était prévu une voile sur un bateau (moteur) de voyage fluvial, pour lui permettre, entre autre, de rallier plus rapidement les estuaires…
les calculs de stabilité et d’homologation n’étaient pas gagnés et il aurait sans doute fallu un bon manuel au propriétaire, ou du moins : ne pas laisser ce bateau là sous voile entre toutes les mains avec la surface prévue… Aujourd’hui je souri de nouveau à la lecture du premier message de C. Basle : ça innove dur dans le gréement du vieux fileyeur !
Nous avons pris le même vol, Lebas et moi, à quelques jours d’intervalle, pour retraverser l’Atlantique dans l’autre sens en 8 heures : le Saint-Martin/Port-au-Prince/Paris et je dois dire que personnellement j’ai pris un sacré "shoot" sur le tarmac de l’aéroport Toussaint L’ouverture… Je n’ai pas beaucoup regardé par le hublot ni à la descente ni à la remontée, je n’ai pas forcément voulu voir cette ville en ruine, j’ai juste vu qu’il y avait beaucoup de bâches bleues et beaucoup de champs plein de containers… Les passagers sont restés dans l’avion pendant l’escale, et j’ai vu l’avion se remplir de nouveau : vraiment beaucoup d’adoptions et quelques retours de mission d’ONG, dont de sacrés rigolos… Je n’ai jamais su comment me positionner vis-à-vis de l’adoption, mais ce que j’ai vu m’a mis mal à l’aise. Il y avait par ailleurs un seul enfant en UM dans ce vol, un jeune garçon, il était assis tout à côté de moi, 14E, il était affamé mais ne le montrait pas, ou alors il a eu peur de manquer ? Il a ravagé son plateau repas en un temps record, pas vraiment avec les bonnes manières, et il a fini en avalant le petit contenant de sucre roux que je lui avais dit de ne pas manger tout au début. Je n’avais jamais vu ça, plus besoin de hublot. Nous avons parlé créole. J’espère qu’il est sur les bons rails… Il a voulu me suivre à l’arrivée, mais je l’ai feinté en le renvoyant à son petit-déjeuner. Je n’ai pas de fils. Peut-être que j’aurai dû l’enlever ? Puis tant qu’à faire, le revendre ? Et puis comme ça après, je serai allé in bed avec Madona… Non, vraiment, je ne sais pas comment me positionner vis-à-vis de l’adoption; mais un jour, j’ai pris un sacré "shoot" dans un avion.
Aujourd’hui j’ai lu « Paroles d’Haïtiens, un peuple dit son espoir » et encore une fois j’ai souri quand dedans j’ai commencé par lire ça : « L’éducation est le chemin du salut », par Frankétienne.
Vas-y Christophe Lebas, fonces vers Gustavia, fais marcher le bateau au maximum de ses capacités et en toute sécurité : mon ami M. Henri Louis va y mettre dessus une école pour Haïti; quant à moi, je ne m’appelle pas Desjoyeaux, mais j’en serai le professeur… de métaphysique.
—– Original Message —–
From: C. Basle
‹ stbarthATgeolinkconnectPOINTcom ›
To: many
Sent: Saturday, June 12, 2010 2:28 PM
Subject:
Enfin des nouvelles du Breizh da viken !
Ola
Après une escale à Porto pour débarquer Philippe le caméraman, nous avons repris la route d’Haïti mercredi.
Ce stop nous a permis de faire un tas de bricoles :
- mise en place d’un feu de route en tête de mât, les feux d’origine étant masqués par les voiles. Après avoir passé un câble trop court, nous avons passé un câble chinois tout neuf mais défaillant, avant de réussir enfin à faire marcher ce foutu feu.
- modification de la sous-barbe et des moustaches du bout-dehors pour améliorer le système et récupérer quelques poulies.
- installation d’un hale bas de tangon, pour utiliser notre génois comme un gennaker.
Ça a l’air de fonctionner, mais avant de pouvoir envoyer un spi, il y a encore un peu de boulot en tête de mât…
Et depuis que l’on a repris la mer, le travail continue.
Un peu de bricole sur le génois, le gréement, confection de palans pour suppléer au manque de winchs, aménagements divers pour rendre la vie en mer plus facile, suivi du moteur qui marche comme une horloge bruyante, modif de l’accélérateur pour éviter de confondre pédale de frein et accélérateur dans un cas d’urgence…
Mes camarades Rico et Daniel, s’amarinent doucement… Ce soir on a enfin mangé tous les trois.
Personnellement, je m’acclimate jour après jour à ce nouveau bateau même s’il n’est plus tout jeune. En gérant l’aspect technique, et en en découvrant les moindres recoins, j’ai maintenant à peu près trouvé mon équilibre et mes repères et je prends conscience de tout le boulot accompli par l’équipe de Solidarité-Pêche.
Malgré tout, pas eu le temps d’écrire, de lire et encore moins de m’ennuyer, plein de choses à faire pour rendre le bateau pérenne pour les amis haïtiens, et plus rigolo, pour optimiser le gréement afin de pouvoir couper ce ronronnement permanent qui, surprise, me manquait presque ce soir quand on l’a arrêté.
Le ciel est animé, le vent est dans le bon sens avec grosse houle par le travers qui se calme progressivement depuis qu’on a trouvé les grands fonds. Depuis cet après-midi, l’ordinateur crache enfin des cartes météo, et elle s’annonce clémente et moins humide que chez vous (sauf peut-être dans la bannette de Daniel).
Prochaine escale prévue lundi en fin de journée, à Porto Santo, où nous retrouverons l’ami Miguel qui a un peu de matériel pour notre vérin de barre.
Bien le bonjour
C. Basle, Rico et Daniel, à la timonerie du Breizh Da Viken, 160 mN dans l’ouest du Cap Saint-Vincent.
Route au 220 à 5.5nds, 1340 tr/mn, grand voile, génois amuré sur le tangon.
P.S. Tu ne m’en voudras pas Basle, j’ai corrigé un peu l’ortographe et changé quelques mots : comme sur le 33 quoi !
Île de Nantes, le 12/06/2010
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